Béatrice Balcou est une artiste née en 1976 en France, elle vit à Bruxelles. Elle a travaillé au Cirva entre 2019 et 2020.

Béatrice Balcou dans l’atelier, 2019.
Photo © Cirva / Cécile Capelle

🧠 Œuvres réalisées ou mises au point au Cirva

— Série « Container », 2019–2020
— Série « Porteurs », 2019–2020

👁 Expositions des œuvres réalisées au Cirva

2021
— « L’usage des richesses (The Use of Wealth) », galerie Salle principale, Paris, France, 24 janvier–20 mars
— « Structures of Radical Will », exposition collective, fondation CAB, Saint-Paul-de-Vence, France, 24 juin–31 octobre
— « Untitled Ceremony #16 », exposition personnelle, Rozenstraat – a rose is a rose is a rose, Amsterdam, Pays-Bas, 5–7 novembre
— « Monts analogues », exposition collective, Frac Champagne-Ardenne, Reims, France, 17 septembre–23 décembre

2022
— « Fata Morgana », exposition collective, musée du Jeu de Paume, Paris, France, 15 mars–22 mai
— « Austerlitz was his name », exposition collective, A Tale of A Tub, Rotterdam, 12 février–3 avril

2023
— « Different than it seems », exposition collective, Kunsthalle Recklinghausen, Allemagne, 4 décembre 2022–29 janvier 2023
— « La Beauté du diable », exposition collective, Frac Franche-Comté, Besançon, France, 16 octobre 2022–14 mai 2023
— « The Hoarders », exposition collective, galerie Jaqueline Martins, Bruxelles, Belgique, 8 juin–22 juillet
— « Béatrice Balcou, Porteurs and Paintings », exposition personnelle, Kunstraum Memphis, Linz, Autriche, 7 novembre–6 décembre

💬 Stanislas Colodiet, à propos du travail de Béatrice Balcou, 2021

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Béatrice Balcou a réalisé au Cirva deux séries de petits objets à manipuler et à regarder avec attention.
Ce sont des contenants qui contiennent des « résidus » d’œuvre dont la valeur est difficile à évaluer et qui nous disent quelque chose sur la fragilité de l’art et notre rapport au monde matériel et animal. Sans pour autant être le fil conducteur de sa démarche au Cirva, Béatrice Balcou s’est interrogée sur les possibilités d’une pratique écologique avec le verre.
Le premier ensemble a la forme d’un bâton de relais dont l’artiste a consciencieusement respecté le diamètre. Chacun se divise en deux parties : l’une lisse et soufflée à main levée, l’autre cannelée et soufflée dans un moule. Aux extrémités, il y a des effets de loupe ou de légers kaléidoscopes. Chaque bâton est le réceptacle de « restes » d’œuvre d’art « glanés » auprès de restaurateurs du patrimoine et d’artistes. Leur statut incertain créé une situation ambigüe : de la poudre de miroir antique, d’infimes morceaux de casque gallo-romain, des copeaux de chaise vénitienne, un éclat provenant du recto d’une peinture de Pierre Tal Coat. L’art contemporain a également sa place parmi ces restes précieusement conservés dans les tubes : de l’eau issue d’une œuvre de Ann Veronica Janssens ou encore des graines d’encens qui tapissaient le sol d’une installation de l’artiste Laura Lamiel, etc. On est tenté de comparer chaque tube à des reliquaires modernes tout autant qu’à des expériences géologiques. Si Béatrice Balcou interroge la part de sacré que notre société attribue à l’art, elle nous conduit aussi à imaginer d’autres alternatives pour ces « petites matières » sans valeur. Objets de procession, de protestation ou bâtons de parole, ces bâtons-témoins se passent de main en main dans les courses relais. La dimension performative est l’un des éléments constitutifs du vocabulaire de l’artiste.
L’autre ensemble fait appel au savoir-faire du Cirva en matière de travail à froid, il est constitué de verres industriels dont on a coupé les pieds pour en garder la jupe. La première décision consiste donc à récupérer des objets et à les transformer discrètement. L’artiste a choisi d’y placer des insectes naturalisés dits « muséophages » ou encore « insectes du patrimoines ». Ils ont été collectés par Fabien Fohrer, entomologiste qui étudie leur comportement depuis les laboratoires du Centre interdisciplinaire de conservation et restauration du patrimoine situé dans le quartier de la Belle-de-Mai à Marseille (CICRP). Ces insectes habitent les musées et consomment les œuvres : ils creusent des galeries dans les châssis des toiles ou le bois des sculptures, ils consomment les colles animales utilisées dans certaines œuvres et constituent tout un peuple affamé de culture. Si l’on est ce que l’on mange, alors ces derniers sont de véritables esthètes ou encore ce que l’on pourrait appeler des encyclopédies sur pattes. Les insectes naturalisés sont enfermés dans les ampoules de verre scellées par une fine lentille de verre soufflé. Béatrice Balcou offre ainsi à ses insectes non désirés un mausolée et perturbe de ce fait la relation que nous entretenons avec ces petites bêtes. Naturaliser un insecte est un véritable travail de fourmi dont le résultat est fragile : un simple choc contre les parois en verre peut lui faire perdre une patte. Ainsi chaque capsule doit être manipulée avec une attention quasi cérémoniale.
Dans les deux projets, le verre est utilisé pour sa transparence qui le conduit parfois à s’effacer ou alors à filtrer notre regard à travers ses effets déformants. Le cannelé des tubes diffracte les reliques et nous invite soit à déplacer notre regard soit à manipuler l’objet. À l’inverse, Béatrice Balcou a été attentive à la finesse des lentilles qui ferment les ampoules si bien que l’on ne les voit plus. Les coutures sur les bords sont presque invisibles, et seul le miroitement de la lumière ou les infimes aspérités de ces surfaces en verre soufflé laissent entrevoir l’existence d’une paroi. Cette expérience de déstabilisation du regard nécessite d’être rééquilibrée par la préhension afin de comprendre les contours de l’objet, l’enveloppe de verre empêchant tout contact direct avec les insectes dont la taille ne permet pas parfois d’en distinguer les détails.
Béatrice Balcou procède donc par prélèvement et déplacement d’objets dont la valeur patrimoniale est ambiguë, infra mince. L’écrin fragile qui les contient suggère un caractère précieux en même temps qu’il frustre notre regard et notre jugement. C’est avec prudence et délicatesse qu’il faut tenter d’en appréhender le contenu, par le geste et le regard. Ces petits mondes étanches semblent contenir la marche du temps qui s’est arrêtée et résonne contre les parois de verre.

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